Nationalisme espagnol

Campagne « Mets un drapeau sur ton balcon » promue par le Parti populaire en 2018.

Le nationalisme espagnol ou espagnolisme est le mouvement politique, social et idéologique définissant et revendiquant l'identité nationale de l’Espagne. Concrètement, il affirme l’existence d'une nation espagnole, identifiée avec l'État espagnol actuel et son territoire intégral — la seule réclamation irrédentiste récurrente est celle de Gibraltar —, qu’il considère donc comme un État-nation.

Il existe un large consensus historiographique pour situer la naissance du nationalisme espagnol autour de 1808 dans la guerre d’indépendance espagnole — qui ne fut ainsi nommée que rétrospectivement —[1],[2],[3],[4],[5],[6]. L’historiographie libérale postérieure transforma cette guerre en un mythe fondateur de la nation espagnole[7].

Comme c’est couramment le cas, le nationalisme espagnol n’est pas monolithique et présente une hétérogénéité. Historiquement, la pensée nationaliste espagnole s'est structurée autour de deux pôles opposés et en conflit, mais non étanches pour autant : schématiquement, une conception « primordialiste » — « casticiste » — de la nation et centraliste de l’État, ayant pour centre de gravité la Castille historique, défendant la langue castillane ou espagnol, le catholicisme et identifiant la nation à la Monarchie hispanique, et une conception « civique » ou « moderniste » de la nation, plus libérale, revendiquant une nation polycentrique et intégratrice des particularités régionales, défendant un républicanisme fédéraliste[8],[9],[10].

À l'exception de deux courtes périodes très instables — le Sexenio Democrático (1868-1874), surtout lors de la République fédérale (1873), et la Seconde République (1931-1936) —, c'est le modèle centraliste qui a été historiquement dominant dans les institutions[11].

À la fin du franquisme, la transition démocratique instaure un modèle d’État hybride, « l'État des autonomies », reconnaissant à la fois l’« unité indissoluble » de la nation et le « droit à l'autonomie » des régions d'Espagne — tout en maintenant à grands traits la division provinciale de 1833 —. Bien que largement décentralisé dans les faits[12],[13], ce modèle a souvent été présenté comme un « habile compromis » entre les deux tendances contradictoires[14],[15], et le processus de transition considéré comme exemplaire, par l'esprit de conciliation et d’apaisement qui l’aurait présidé[16],[17]. Toutefois, avec le temps l’historiographie a apporté une vision plus critique de cette étape[18],[19],[20],[21],[22], et depuis les années 2000 surtout, le modèle d'État est source de contestations politiques ouvertes, tant centrifuges (nationalismes périphériques)[23],[15] que centripètes (un certain courant néoconservateur[réf. nécessaire], qui a trouvé une grande visibilité politique avec l’émergence récente du parti ultranationaliste Vox)[24],[25],[26],[27],[28].

Dans l'historiographie, on a souvent insisté sur la défaillance de l’État espagnol dans le processus de nation building. C'est ainsi que l’on a pu expliquer l'émergence de forts nationalismes périphériques. Toutefois, si ces mouvements ont eu une importance fondamentale dans les représentations de la « nation espagnole », le nationalisme espagnol s’étant en grandie partie construit contre ces derniers[29], l'historiographie récente apporte une vision critique sur cette conception — les nationalismes périphériques pourraient aussi être une réaction à la nationalisation proactive de l'État, plutôt qu'une conséquence de sa faiblesse —, et tend à considérer le cas espagnol comme un exemple intégré dans un contexte européen plus large[30],[31].

  1. « Los primeros liberales españoles, reunidos en las Cortes de Cádiz (1810-1812), elaboraron una concepción moderna de la Nación española como colectividad de los ciutadanos dotados de una ley común, y que asimismo incorporaba planteamientos orgánico-historicistas […] » (Núñez Seixas 2018, p. 25).
  2. « La nación española moderna nace al calor de la resistencia contra la ocupación napoleónica » (De la Granja, Beramendi et Anguera 2001, p. 16).
  3. « [Le Deux-Mai] constitua […] la base sur laquelle allait s’appuyer la mythologie nationaliste dominante au cours du XIXe siècle et d'une bonne partie du XXe siècle. Le Deux-Mai équivalait donc au Quatre-Juillet nord-américain, au Quatorze-Juillet français ou à toute autre date se trouvant au fondement de la nation. C’était le commencement de sa liberté, la grande affirmation initiale de son existence » (Álvarez Junco 2011, p. 25-26).
  4. « Se creó un moderno nacionalismo español, comparable al naciente en otros países europeos, por el hecho de resistir a Napoleón » (Carr 2003, p. 113).
  5. « El 24 de septiembre de 1810, las Cortes reunidas en Cádiz proclamaron en su primera sesión que en ellas residía la soberanía de la nación. Dicha declaración entrañaba, de facto, una revolución, pues trastocaba el orden político vigente según el cual la soberanía era un atributo exclusivo de la monarquía. » (Martorell Linares et Juliá 2019, p. 6).
  6. Riquer i Permanyer 1994, p. 14–15.
  7. Núñez Seixas 2018, p. 25.
  8. Fusi 2000, p. 6.
  9. « En el caso específico de España, a o largo del tiempo todos los intentos de llegar a un acuerdo sobre lo que habían logrado o lo que esperaban en el futuro parecen haber naufragado. En parte, esto se debe a que ha habido divisiones entre los españoles sobre su manera de concebir su nación. Algunos tienen una visión primordial de su pasado y piensan en la nación como si fuera una entidad atemporal; otros son modernistas y la consideran fruto de factores políticos y étnicos, en cierta medida inventados » (Kamen 2021, p. 15).
  10. Álvarez Junco 2011, p. 13, 321.
  11. Guereña 2001, p. 14.
  12. « En aquest moment [de la Transició], l'Estat espanyol és de iure un estat compost […] » Castiñeira2006, p. 71.
  13. Menéndez 2002.
  14. Guereña 2001, p. 13-14, 36.
  15. a et b Campuzano 2011, p. 101, 172-173.
  16. Guereña 2001, p. 13.
  17. « Un dels paradigmes més gastats sobre la Transició és, sens dubte, l’absència de violència. » (Mayayo 2006, p. 329)
  18. Juliá 2008, p. 86-88.
  19. Mayayo 2006.
  20. Pons Prades 1987.
  21. « Force est de constater que la transition n’est plus considérée aujourd’hui comme un modèle de transition ni même comme une transition exemplaire. » (Campuzano 2011, p. 173)
  22. « la historia oficial […] de la Transición excluye los temas vinculados a [la] violencia política. En esa forma de contar las cosas parece que el tránsito de la dictadura a la democracia se hizo sin apenas traumas, cuando partió por la mitad el país, y, a pesar de las políticas de reconciliación que siguieron desde diferentes instituciones, sobre todo desde el Partido Comunista de España (PCE) y la Iglesia católica, o a una gran mayoría de sus miembros, la violencia política fue muy fuerte; existía una determinada voluntad de mantener las cosas como estaban; de no ir a la democracia. Por es hubo más de 200 muertos entre esos años de 1976 a 1979 y muchísimos heridos […] » (Ruiz Huertas 2010, p. 41)
  23. De la Granja, Beramendi et Anguera 2001, p. 203.
  24. Álvarez-Benavides et Jiménez Aguilar 2021, p. 5, 7.
  25. (es) « Vox se trae a la líder de la ultraderecha italiana para apoyar la campaña de Olona », El País,
  26. (en) Martin Caparros, « Vox and the Rise of the Extreme Right in Spain », New York Times,
  27. (es) Joan Antón-Mellón, « Vox. Del nacional-catolicismo al ultranacionalismo neoliberal », Agenda Pública,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  28. (ca) Xavier Casals i Meseguer, « El ultranacionalismo de VOX. Cinco claves para comprender "La España viva" », Grand place: pensamiento y cultura, no 13,‎ , p. 27-35 (ISSN 2386-429X, lire en ligne)
  29. Saz 2012, p. 266.
  30. Gilarranz Ibáñez 2019, p. 247-250.
  31. Fusi 2015, loc 282-651.

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